SCPI européennes, comment choisir ?

SCPI | 7 min. de lecture

 

Face à l’érosion des rendements et à l’encombrement du marché hexagonal, les gestionnaires voient plus loin.

Les sociétés de gestion de SCPI se bousculent sur le marché européen, tandis que les gestionnaires de fonds rivalisent d’ingéniosité pour proposer aux épargnants des produits de plus en plus spécifiques. Dans la course aux meilleurs rendements locatifs possibles, les professionnels tentent de faire la différence en se spécialisant, soit sur une aire géographique, soit sur un secteur économique, que ce soit l’immobilier de santé, hôtelier ou même logistique. Revue des différentes stratégies et opportunités d’investissement aux quatre coins de l’Europe.

Avec EuropInvest et Interpierre Europe Centrale, ces derniers mois ont vu la naissance de deux nouvelles SCPI européennes, respectivement lancées par Sofidy et Paref Gestion. Depuis que Corum l’Épargne a créé en 2014 sa première SCPI européenne, la compétition fait rage entre sociétés de gestion. C’est à qui lancera son fonds immobilier international, du plus diversifié au plus spécialisé. Rare sont désormais les gestionnaires de fonds immobiliers qui ne proposent pas ce type de produit.

Ce boom de l’offre européenne s’explique en bonne partie par la hausse continuelle des prix dans les grandes villes françaises, effritant du même coup la rentabilité locative des SCPI investies dans l’Hexagone. Pour certains gestionnaires de fonds très spécialisés, par exemple dans l’hôtellerie ou la santé, le marché français est aussi parfois devenu trop petit, et les manœuvres financières trop évidentes pour la concurrence.

Aller chercher des actifs ailleurs en Europe devient dès lors une stratégie de développement quasi-incontournable pour les plus gros acteurs. Aisni Euryale Asset Management a-t-il réalisé la meilleure collecte du marché au premier semestre 2021 (405 millions d’euros) avec Pierval Santé, sa SCPI européenne spécialisée dans l’achat d’immobilier de santé (résidences pour handicapés, laboratoires de recherche, résidences pour seniors, etc.) partout dans le Vieux continent. “Nous nous intéressons à des pays où il n’y a pas d’acteur privé majeur dans le monde de la santé, et ou les particularités réglementaires et fiscales sont avantageuses pour les investisseurs étrangers”, détaille David Finck, directeur général d’Euryale, qui regroupe aujourd’hui plus de 30 000 associés, et qui a décidé en juin dernier de doubler son capital statutaire plafond pour le porter à 3 milliards d’euros.

 

Jouer sur le décalage des marchés européens

Si les gestionnaires de SCPI s’intéressent de plus en plus à l’Europe, c’est aussi pour profiter des décrochages de certains marchés étrangers et y faire de bonnes affaires, avec un degré d’opportunisme différent en fonction des sociétés de gestion. “À partir de 2012, on a commencé à sortir de la crise des subprimes, qui avait touché l’immobilier espagnol de plein fouet. Les prix y étaient très bas. C’est là que nous avons commencé à y acheter nos premiers immeubles, loués à de grandes sociétés internationales très solvables. Et l’on a revendu nos actifs trois ans plus tard en réalisant une plus-value de 20 %”, se rappelle Jonathan Wasserman, président de Corum l’Épargne, acteur historique du marché de ces SCPI internationales. La société a été la première à populariser ce type de produits en France, même si les premières sociétés de gestion ont commencé à acheter des immeubles de bureaux en dehors du pays dès les années 1990.

“Si les gestionnaires de SCPI s’intéressent de plus en plus à l’Europe, c’est aussi pour profiter des décrochages de certains marchés étrangers et y faire de bonnes affaires”

En combinant des actifs situés dans des économies fortes, comme l’Allemagne ou le Royaume-Uni, et d’autres dans des pays plus vulnérables, notamment ceux du Sud du continent, les gestionnaires de fonds espèrent façonner des produits financiers équilibrés, avec des rendements supérieurs aux SCPI franco-françaises. Aujourd’hui, le choix des professionnels du secteur semble se diriger vers certains pays de l’Est, dont la Pologne et la Hongrie, ou, plus étonnament, les pays baltes, tout en continuant pour la plupart à investir massivement en Allemagne, dans l’immobilier tertiaire, une sorte de valeur refuge des SCPI européennes. Pour Nicolas Peycru, cofondateur du cabinet de conseil en patrimoine Euodia, qui vient de lancer sa plateforme scpi-8.com, la recherche de pays vierges de tout investissement immobilier français s’explique assez simplement : “La monnaie unique et la politique de quantitative easing menée par la BCE depuis des années ont pour effet de relativement uniformiser les rendements locatifs partout en Europe. De plus en plus, les sociétés de gestion sont donc obligées d’aller chercher des marchés de niche et des microopportunités pour faire la différence, dans les pays baltes par exemple.”

 

La qualité des baux, d’Ouest en Est

Autre facteur de performance auquel les sociétés de gestion sont très attentives : la structure des baux, différente d’un pays à l’autre, et plus ou moins sécurisante pour l’investisseur. “Notre préférence va aux baux triple nets, qui transfèrent la charge de la fiscalité et de certains travaux au locataire, comme c’est le cas dans plusieurs pays européens. En Allemagne et dans certains pays du nord, les durées de baux sont aussi bien plus longues qu’en France, ce qui est très intéressant pour nous”, explique Anne Schwartz, directrice générale chez PAREF gestion, une société qui a beaucoup misé sur Varsovie, Budapest et Prague dans le cadre de sa nouvelle SCPI Interpierre Europe centrale, des villes où les taux de rendement locatif tournent autour des 4,7 %, contre environ 3% en moyenne dans les grandes capitales d’Europe de l’Ouest.

 

Modes et commissions de gestion

Pour débusquer et acquérir des bureaux, commerces, Ehpad, logements ou encore des entrepôts logistiques aux quatre coins de l’Europe, les sociétés de gestion ont adopté différentes stratégies en fonction de leur taille. Les plus grosses et les mieux implantées sur le segment des SCPI européennes, comme Corum, ont installé un réseau de bureaux locaux dans tous leurs pays d’implantation, afin de gérer “en mains propres” la recherche d’actifs et le suivi des locataires. Un atout de taille en cette période de Covid où les gestionnaires ont dû multiplier les reports de loyer pour aider leurs locataires à maintenir la tête hors de l’eau. Les asset managers plus récemment arrivés sur le marché sous-traitent bien souvent cette partie de leur activité à des prestataires sur place. “Dans ces cas-là, l’épargnant doit être attentif à ce que les commissions de gestion ne soient pas trop importantes et ne viennent pas grever outre mesure les performances du fonds où il place son argent”, avertit Nicolas Peycru.

 

Tendances à venir, entre discours et vraies opportunités

Pour faire la différence dans cette grande course à l’Europe, les gestionnaires proposent parfois des produits très spécifiques, comme la SCPI PF Hospitalité Europe de Perial Asset management, qui n’investit que dans l’hôtellerie sur le Vieux continent, ou la Novapierre Allemagne 2 de Parfe Gestion, investie dans le commerce en Allemagne. “C’est plus facile d’aller voir un client avec un fil rouge comme cela, ça raconte une histoire, expose Jonathan Wasserman. Mais dans un marché immobilier très compliqué, le manque de diversification des actifs peut se révéler risqué.”

“De plus en plus de gestionnaires de fonds axent aussi dorénavant leurs discours marketing sur les bonnes affaires à réaliser du côté de l’hôtellerie, avec des prix très bas qui devraient repartir à la hausse à moyen terme”

Ces spécialisations thématiques suivent des effets de mode. L’engouement est d’abord allé à l’immobilier de bureaux dans les grands quartiers d’affaires il y a une dizaine d’années. Puis les locaux commerciaux, une tendance qui a pris un peu de plomb dans l’aile avec la Covid, même si à en croire les gestionnaires, la pandémie n’a pas contaminé leurs rendements. “Nous avons choisi d’investir dans des commerces essentiels dans les villes moyennes d’Allemagne, et ça s’est avéré être une stratégie résiliente. Nous ne menons pas de politique opportuniste, car les SCPI sont des investissements sur une très longue durée. Nous recherchons avant tout la performance à long terme”, rassure Anne Schwartz. Dans les mois et les années à venir, avec le boom du e-commerce, il y a fort à parier que l’appétit des professionnels de l’immobilier et de l’épargne pour les bâtiments logistiques grandisse. De plus en plus de gestionnaires de fonds axent aussi dorénavant leurs discours marketing sur les bonnes affaires à réaliser du côté de l’hôtellerie, avec des prix très bas qui devraient repartir à la hausse à moyen terme. Aux particuliers de faire la différence entre les réelles opportunités à saisir et le discours commercial des asset managers.

Benoît Collet

 

Quelle fiscalité pour les SCPI européennes ?

En plus de rendements parfois plus attractifs, placer son épargne dans une SCPI européenne est souvent un bon moyen de bénéficier d’une fiscalité bien plus avantageuse qu’un investissement en France. Premier bon point : la pression fiscale bien moins importante dans de nombreux pays européens en comparaison de l’Hexagone.

Concernant la taxation de la plus-value immobilière, elle est de 28 % au RoyaumeUni et de 19% en Pologne, par exemple, contre 34,5 % en France. Outre-Manche, l’investisseur français optimise d’autant sa fiscalité que certains impôts locaux, l’équivalent de la taxe foncière française par exemple, sont à la charge du locataire. Au niveau européen, il existe des conventions fiscales bilatérales, entre la France et l’Allemagne notamment, visant à éviter la double taxation des investisseurs, et leur offrant la possibilité de bénéficier de crédits d’impôts dans leur pays d’origine, qui prend en compte les taxes payées dans le pays ou la SCPI est investie. Pour l’épargnant, le montant réel de l’imposition correspond dès lors à la différence entre la tranche marginale et le taux moyen d’imposition.

Autre avantage, les SCPI investies à l’étranger ne sont pas assujetties aux prélèvements sociaux sur les dividendes. De cette façon, le client d’une SCPI européenne touche un revenu net de fiscalité, ce qui évite également un certain nombre de tracasseries administratives. “Pour des SCPI qui ont des stratégies d’investissement ciblées dans certains pays comme l’Allemagne ou certains pays d’Europe centrale, l’avantage fiscal pour l’épargnant est d’autant plus net”, constate Anne Schwartz, directrice générale de Paref Gestion.

 

Le Canada, nouveau terrain de jeu des SCPI françaises ?

En décembre 2020, Corum XL a fait grand bruit dans le monde des SCPI en achetant un vaste bâtiment industriel de 10 500 m2 au Québec, dans la ville de Mont-Saint-Hilaire, devenant ainsi la première société de gestion française à investir dans l’immobilier au-delà des frontières du Vieux continent. Il s’agissait de surfer par là sur la forte baisse du dollar canadien, dont a découlé une baisse des prix du foncier pour les acheteurs européens, et d’un cadre législatif favorable : le bail signé avec une société pharmaceutique l’est pour une durée de 20 ans.

Historiquement, Corum l’Épargne a souvent donné le “la” en matière de tendances pour les SCPI européennes ; il pourrait en être de même avec l’attrait nouveau de la société pour le Canada. “Nous aimerions nous y implanter. Nous avons d’ores et déjà été autorisés à la faire par nos associés et l’Autorité des marchés financiers”, confie David Finck, associé-fondateur d’Euryale Asset management. Face à un marché immobilier européen relativement uniforme, où il est de plus en plus difficile de jouer sur les décalages de marché, aller à l’international pourrait permettre aux sociétés de gestion de renouer avec ce levier de rentabilité financière.

Mais la conquête de l’Amérique par les SCPI françaises n’en est encore qu’à ses balbutiements. Pour les investisseurs désireux de détenir des actifs hors des frontières européennes, il reste encore nécessaire de passer via une REIT (Real Estate Investment Trust), appelées fiducies de placement immobilier au Québec. Contrairement aux parts de SCPI, seulement échangeables de gré à gré, les parts de ces sociétés d’investissement immobilier cotées sont échangeables en bourse et nécessitent de la part de l’investisseur une bonne connaissance du fonctionnement des marchés financiers et immobiliers.

*405 ME, c’est la collecte réalisée par Pierval Santé au 1er semestre 2021, soit la meilleure collecte réalisée par une SCPI sur cette période, avec des actifs centrés sur l’immobilier de santé en Europe.

Source : Aspim

Article publié le 17 Septembre 2021
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